samedi 11 mai 2013

Le cerveau des joueurs d'échecs!




Les super-pouvoirs de notre cerveau!






                                     







Cérébral par excellence, le jeu d’échecs est une activité ludique dotée de mécanismes d’analyse étonnants.

En identifiant les régions du cerveau mobilisées lors d’une partie, les chercheurs espèrent mettre à jour les dispositifs décisionnels des meilleurs joueurs, mais aussi comprendre les vertus du célèbre damier sur notre système cognitif. Il semble dès à présent certain que la qualité du joueur d’échecs noue compétences spatiales et raisonnements analogiques. Par Valérie Buron


Inde, 3 000 ans avant J.-C. Le roi Belkib s’ennuie. Il promet d’offrir à celui qui saura le distraire la récompense de son choix. 
Le sage Sissa lui présente un nouveau jeu de 64 cases, qui enthousiasme immédiatement le roi. 
En échange, le sage choisit de recevoir des grains de blé!. Sissa propose au roi de disposer les grains sur les cases du jeu, en doublant la quantité de grains d’une case à une autre.
 Ainsi, la première case contiendra un seul grain, la deuxième deux grains, la troisième quatre et ainsi de suite jusqu’à la soixante-quatrième case. 
Surpris de cette requête qu’il juge modeste, Belkib accepte… Erreur ! Car pour exaucer le vœu de Sissa, le roi devra fournir au total 264 – 1 grains ! Ce qui représente plus de 18 milliards de milliards de grains, l’équivalent de la France recouverte de plusieurs centimètres de blé ! C’est ainsi que naquit l’une des plus anciennes et fantasques légendes des échecs. 
Les raisonnements stratégiques et règles du jeu d’échecs du sage Sissa ont passé les millénaires et les civilisations. Cinq mille ans plus tard, des scientifiques suscitent un nouvel intérêt autour du damier. 
Ils peuvent enfin comprendre et identifier les zones du cerveau qui travaillent lorsque l’on joue aux échecs, et ainsi en analyser les faiblesses et les vertus ! 
Un intérêt né de l’hypothèse selon laquelle le jeu a un impact sur notre système cognitif et peut en améliorer son fonctionnement. La pratique du jeu offrirait donc un profit, mais qui n’est, selon le Pr Thierry Ripoll, directeur du Département de psychologie cognitive et expérimentale de l’Université de Provence; pas propre aux échecs. « Si l’on s’investit beaucoup aux échecs, on va développer la concentration, la planification, la capacité à être attentif pendant longtemps à quelque chose dont on a besoin dans tous les domaines de l’activité cognitive. Jouer aux échecs peut donc conduire à améliorer nos compétences cognitives, mais on peut obtenir le même résultat en apprenant une autre activité. Ce que l’on exploite avec le jeu d’échecs, c’est une compétence très générale ». Rien de surprenant quand on sait que les échecs requièrent aussi de l’intelligence créatrice, des capacités d’exploration spatiale, de raisonnement logique et de mémorisation.

Les compétences spatiales priment
Cette multiplicité de compétences peut expliquer de façon logique et paradoxale pourquoi si peu d’études se sont penchées sur la recherche des corrélas neuronaux dans la pratique des échecs. Logique, car séparer les différentes facultés requises dans le jeu d’échecs est assez complexe. Paradoxale, car de telles recherches permettraient de spécifier plus précisément l’intervention des différents mécanismes et de mieux les comprendre.
Une étude américaine publiée en 2003 apporte un début de réponse. Installés dans la machine d’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM), les sept participants de l’étude étaient des joueurs considérés comme novices. Ils connaissaient les règles et quelques stratégies, mais n’étaient pas experts dans la pratique. Face à eux, un échiquier comportant des pièces blanches et rouges et un chronomètre de 30 secondes pendant lesquelles ils devaient déterminer mentalement à chaque nouvelle configuration proposée le meilleur coup à jouer pour les blancs.
Les résultats sont quelque peu surprenants pour les auteurs de l’étude : ils observent un manque d’activation au niveau du lobe frontal dans sa partie latérale (lieu du raisonnement et de la logique) et une présence d’activations au niveau des lobes pariétaux. Conclusion : les échecs nécessiteraient avant tout des compétences spatiales, qu’il s’agisse par exemple de repérer où se situent les pièces, d’anticiper leurs déplacements possibles au prochain coup ou de positionner son attention au bon endroit sur l’échiquier. 
Identifier le plus rapidement possible la pièce essentielle pour le coup suivant est un atout majeur aux échecs, plus que de déplacer rapidement son regard sur l’ensemble de l’échiquier. « 
Dans le jeu d’échecs, la vision joue un rôle énorme. Si on donnait à un grand joueur le codage que l’on donne aux machines, c’est-à-dire un codage sous forme discrète ou propositionnelle de la position des pièces, ils n’arriveraient pas à jouer ! Parce que l’être humain a une appréhension globale visuelle qui est exceptionnelle. 
Il perçoit des analogies visuelles », affirme le Pr Ripoll. Le raisonnement par analogie consiste à traiter une situation nouvelle en référence à une situation ancienne. Il permet de faire une sorte de comparaison entre les éléments de deux situations similaires, dont bénéficieraient les grands joueurs d’échecs, capables d’identifier des analogies fortes entre des parties différentes. « L’analogie est un raccourci qui permet à la fois d’économiser du temps de traitement et de repérer immédiatement des similitudes pertinentes », avance le chercheur.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci d'avoir visité cette page!